Un entraînement pour la Dixième

Les nuits étaient fraîches, à la Soul Society, et Ryoko, simplement vêtue d’un débardeur et d’un pantalon de pyjama, se glissa dans son lit en frissonnant. Elle avait envie de bouger, de courir, pour que son sang continue à circuler dans son organisme, mais il était l’heure de dormir, et elle savait que dès le lendemain, elle aurait une journée épuisante. Il valait mieux être en forme. Elle souffla de l’air chaud sur le bout de ses doigts transis de froid, et ferma les yeux, cherchant le sommeil. A ce moment précis, la conversation qu’elle avait eu avec son Lieutenant, un peu plus tôt dans la journée, lui revinrent en mémoire.
“Alors, quelle est la réponse du Capitaine Mikogami ?” lui avait demandé Ryoko.
Ptolémée avait répondu avec une pointe d’interrogation dans sa voix.
“Il a dit qu’il enverrait dix de ses meilleurs hommes pour nous aider, et qu’en plus de ça, son troisième siège et lui-même allaient venir nous épauler, Capitaine.”
Ryoko s’était alors sentie intriguée par ce comportement, et elle l’était encore. Pourquoi cet homme qui venait juste de rentrer en poste, avec tant de secrets, apparemment, voulait-il aller lui-même dans le monde réel ? Etait-ce à prendre comme un signe de sa part ? Un indice qu’il laissait derrière lui, et qu’il fallait interpréter ? Ou alors essayait-il encore de la mener sur une fausse piste ? Elle se faisait peut-être des idées pour rien, mais ce n’était pas une raison pour fermer les yeux. En tous cas, cela lui donnerait du temps pour enquêter sur son cas, pendant qu’il ne serait pas là. Mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus la jeune femme.
“Il a déclaré que, je cite : Mourir à la place d’être chers lui semblait être une fin enviable” avait ajouté Ptolémée. “Et il a terminé en disant que vous étiez la bienvenue dans son Quartier Général.”
Le ton qu’employa le garçon fit réagir Ryoko. Mourir à la place d’êtres chers ? Pensait-il à quelqu’un en particulier lorsqu’il disait ça ? Envisageait-il que quelqu’un allait mourir là bas, dans le monde réel ? Etait-ce un message qu’elle devait prendre pour elle-même ? Elle n’en savait trop rien. Et puis, que signifiait cette dernière phrase ? En tant que Capitaine, qu’il le veuille ou non, elle était la bienvenue partout. Pourquoi insister particulièrement sur ce point ? Etait-ce une invitation à venir lui poser d’autres questions ? Jouait-il avec elle ?
Ryoko...Tu devrais dormir depuis longtemps. Demain sera une journée longue, et éprouvante, et tu devras monter l’exemple à tes hommes. Arrête de te tracasser avec ces histoires. Si cet homme veut nous manipuler, il se rendra rapidement compte des risques qu’il prend. En attendant, repose-toi.
- D’accord, Oushitsuno. Désolée.
Ce n’est rien. Dors, maintenant.
Elle se cala dans son lit, se recroquevilla sur elle-même, pour conserver sa chaleur, et soupira. Elle se rendit alors compte qu’elle était réellement fatiguée, et en quelques minutes, elles s’endormit, sous le regard bienveillant d’un Samourai possédant la force d’un taureau.

Le lendemain matin, Ryoko se réveilla en forme, et de bonne humeur. Elle avait passé une nuit excellente, sans être troublée par des réflexions, et des questions sans réponse. C’était assez rare qu’elle se repose entièrement, et elle fut contente que son Zanpakutô lui aie demandé de dormir à une heure raisonnable. Elle se leva, appréciant avec un sourire la chaleur du soleil sur sa peau. Puis, après s’être étirée longuement, fila prendre une douche bienvenue. Elle se réchauffa ainsi totalement, et acheva de se réveiller. Elle s’habilla promptement, se coiffa avec le plus grand soin, et fila dans le réfectoire de sa Division, pour manger quelque chose. Lorsqu’elle y arriva, de nombreux Shinigami étaient déjà présents, et elle les salua chaleureusement. Ils lui répondirent joyeusement, et elle s’installa parmi eux, plutôt que de s’attabler seule, sur une petite estrade. Elle s’assit juste à côté d’une jeune femme de son escorte personnelle. En fait, la seule femme. Elle s’appelait Michiko, et était une convive charmante.
- Bonjour Capitaine ! Comment allez-vous aujourd’hui ?
Elle parlait assez vite, et affichait toujours un sourire qui avait le don de détendre l’atmosphère.
- Moi ça va très bien, et toi ? Tu as passé une bonne nuit ? Tu es prête pour l’entraînement ?
- Toujours, Capitaine !
- Eh bien c’est parfait. Mangeons un morceau avant d’y aller.
Ryoko se servit un verre de jus d’orange, et le vida d’un trait. Elle s’en servit un autre, en but la moitié, et le posa devant son assiette. D’une main habile, elle la garnit de mets, et commença à manger avec appétit.
- Vous ne craignez pas de vous étouffer, Capitaine ?
- Et toi Iwakura...ça te fait quoi de t’être levé si tôt, c’est une première pour toi, non ? Répliqua Michiko avec un sourire moqueur.
Il haussa les épaules, et s’assit à côté de Ryoko.
- On m’a donné un ordre, et j’obéis. Mais je ne m’attends pas à ce que tu comprennes ça.
En effet, la jeune femme était connue pour son esprit un peu rebelle. Elle ne tolérait pas forcément l’autorité, et en vérité, faisait presque essentiellement ce qu’elle voulait, quand elle le voulait. Mais n’étant pas une fainéante, la plupart du temps, cela ne posait pas de problèmes. Elle tiqua cependant :
- Qu’est-ce que tu insinues ? Que je ne respecte pas les ordres ?
- Allez les enfants, on se calme. Pas de bagarre dès le matin, voyons.
Ryoko leva la tête, et salua Yuri en levant la main, ayant la bouche pleine, et ne pouvant donc pas parler. Il rendit son salut à la jeune femme, et prit place autour de la table, comme tous les membres du groupe avant lui. Puis arrivèrent finalement les autres Shinigami. Plus discrets, et plus réservés, ils ne firent pas d’entrée tonitruante, mais devant la bonne humeur qui régnait à cette table, ils ne purent rester silencieux très longtemps. La jeune femme finit par se lever, lorsqu’elle vit que tous ses compagnons de table avaient terminé. Elle posa un regard sur ses autres soldats, et voyant qu’ils n’attendaient qu’elle, elle leur demanda d’aller se mettre en rang dans la cour extérieure. Ils s’empressèrent de s’exécuter.
Ryoko les suivit, et lorsqu’ils furent tous disposés à l’écouter, elle commença :
- Comme je vous l’ai déjà expliqué, nous allons commencer une série d’entraînements. Je ne connais pas votre niveau individuellement, mais j’ai pu vous observer pendant vos combats, et les choses que j’ai notées sont que bon nombre d’entre vous utilisez des techniques de Kido, et que seuls quelques uns sont capables de se débrouiller simplement avec leur Zanpakutô. N’oubliez pas que le Kido n’est qu’un outil de plus offert aux Shinigami. En aucun cas il ne doit remplacer la maîtrise du sabre. Aussi, nous allons commencer par nous exercer à son maniement sans tarder. Pour cela, j’ai été chercher des sabres en bois dans la salle d’entraînement. Puisqu’il fait beau, et que nous sommes relativement peu nombreux, nous nous entraînerons dehors. Et maintenant, formez des groupes de deux, et venez chercher votre arme !

Après que tout le monde se soit équipé convenablement, et aie déposé son Zanpakutô, Ryoko leur demanda de se placer face à face, et en lignes parfaites, de sorte à avoir un adversaire dans le dos, et un adversaire sur le côté.
- Bien. Alors les règles sont simples. Vous et votre adversaire devez vous affronter, sans avancer ni reculer, et rester dans ce même périmètre. Seuls vos bras devront travailler. A mon signal, vous vous retournerez pour affronter la personne derrière vous, et ceux qui sont en bout de ligne tourneront sur leur droite ou leur gauche, pour affronter celui qui se trouve à côté d’eux. Théoriquement, personne n’est seul.
N’obtenant pas de réponse, elle considéra que c’était le cas, et donna immédiatement le signal du départ. Les plus vifs et les plus réactifs portèrent déjà leurs estocades avec violence, et ceux qui n’étaient pas prêts eurent du mal à ne pas reculer.
- Nous ne sommes pas là pour battre en retraite ! Nous sommes là pour défendre. Aussi nous ne reculons pas, et nous n’avançons pas non plus ! Nous sommes comme des rochers ! Intouchables, et indestructibles !
Elle criait pour se faire entendre par dessus le vacarme causé par les dizaines d’armes qui s’entrechoquaient, mais visiblement, ses paroles étaient entendues et comprises, car ses hommes continuèrent à se battre sans merci. Ils s’affrontaient réellement, et ne ménageaient pas leurs efforts, soit pour la contenter elle, soit pour montrer leur valeur, soit pour tester leurs limites. Elle les laissa s’épuiser pendant dix bonnes minutes, au bout desquelles les coups se firent moins nombreux, et plus précis. C’était exactement le résultat qu’elle voulait obtenir. Ses hommes ne devaient pas combattre en frappant le plus souvent possible. D’une seule frappe, bien placée, ou suffisamment puissante, ils devaient être capables de remporter la victoire, contre un adversaire de leur niveau. Contre un ennemi plus puissant, c’était une autre histoire. Ils concentrèrent tous leurs efforts sur la défense, ne tentant que des contre-attaques efficaces et précises, et en les regardant avec attention, Ryoko vit qu’ils se concentraient pour toucher, et pas pour affaiblir l’adversaire. Elle ordonna qu’ils changent de partenaire, et ils s’exécutèrent tant bien que mal. Elle voulait également éviter qu’ils ne comprennent la technique de leur adversaire, et finissent par s’y habituer. L’idéal pour un combattant était d’avoir une tactique lui permettant de venir à bout de n’importe quel opposant. De fait, lorsqu’ils changèrent, ils durent tout réapprendre. Pendant encore une dizaine de minutes, elle les laissa échanger des coups, et enchaîner blocages, parades et ripostes à un rythme d’enfer, avant de les arrêter. Ils laissèrent retomber leurs bras dont les muscles étaient endoloris, et avec un soupir de soulagement, se préparèrent à écouter ce qu’elle avait à leur dire.
- C’était fatigant, je sais. Mais c’était nécessaire. Vous avez pu constater que vous avez du mal à tenir la cadence pendant un combat qui s’éternise. Le but est que vous appreniez à résister à une demi-heure de combat acharné. Si vous y parvenez, même un combat inégal vous paraîtra plus facile, et si vous ne gagnez pas par la force, vous apprendrez à tenir vos positions, et éventuellement à gagner par l’usure. Mais je voulais aussi vous faire comprendre que, pour économiser vos forces, et tenir plus longtemps, il vaut mieux économiser vos coups, et placer des frappes décisives. Sur la fin, vous l’aviez tous compris, probablement car vous étiez fatigués. Mais c’est dès le début du combat que vous devez l’appliquer. Si vous vous jetez à corps perdu dans un affrontement, vous avez perdu d’avance.
Un des Shinigami leva la main, comme un écolier, et Ryoko avec un sourire lui laissa la parole :
- Mais, Capitaine. Si on doit économiser nos forces...Comment faire pour résister. C’est contradictoire, non ?
- Pas forcément. Démonstration. Les dix volontaires qui m’ont accompagné. Venez par ici.
Ils sortirent des rangs, en se regardant avec surprise. Ryoko emprunta le sabre en bois du Shinigami le plus proche.
- Vous allez m’attaquer tous en même temps, et essayer de me forcer à reculer.
La jeune femme retira Oushitsuno de sa ceinture, et tendit son Zanpakutô au Shinigami à qui elle avait pris le Bôken. Elle le soupesa rapidement, et lorsqu’elle l’eut bien en main, déclara que le combat était ouvert. Immédiatement, Michiko fonça vers elle, pour la surprendre. Ryoko, voyant venir une attaque de taille, se baissa sur ses appuis, et esquiva la frappe. Iwakura arrivait derrière, avec à droite Kenji et à gauche Yuri. Le Capitaine de la Dixième Division, sans bouger les pieds, se pencha en avant et de la pointe de son arme, frappa Yuri au creux de l’estomac. Il se plia en deux, et fut stoppé net. Avant que Maiwa ait pu profiter de l’ouverture, elle fit fuser son Bôken vers lui, et le percuta au niveau des côtes. Sous la puissance de l’assaut, il tituba, et percuta Kenji, qui rata de fait sa cible. Taro, Junichi et Keitaro attaquèrent à leur tour, par la gauche, tandis que Michiko revenait à l’assaut par la droite. Ils allaient tous frapper en même temps. Ryoko pivota, et tendit sa main gauche, qui bloqua le coup de la jeune fille. De son autre main, avec son arme, elle arrêta deux attaques, celle de Taro, et celle de Junichi, qui se battait de sa main gauche. Cependant, la troisième attaque, celle de Keitaro, la percuta au niveau de la hanche. Pour les avoir observé un peu, elle savait qu’il n’était pas le plus puissant, et qu’il valait mieux encaisser son attaque que celle des autres. Elle vacilla très légèrement, avant de se ressaisir, et de riposter. Elle envoya un coup de pied à celui qui venait de la frapper, et le repoussa sans difficulté. Sans poser la jambe, elle asséna un coup à chacun des deux autres combattants qui bloquaient son sabre, et en se rééquilibrant, elle frappa Michiko de son bôken. Ce fut alors que les trois plus costauds du groupe arrivèrent à la charge. Noboru, Yasuo et Takuya. Arme au poing, ils attaquèrent la jeune femme, qui devant eux semblait fragile. Mais elle ne broncha pas. Elle se pencha très légèrement en arrière, et laissa passer le coup de Yasuo. Un sifflement strident se fit entendre, tandis que Ryoko se préparait déjà à dévier la seconde attaque. Elle bloqua l’attaque de Noboru, et de l’avant-bras, para celle de Takuya. Elle saisit fermement le sabre de ce dernier, et le tira en vers elle, avant de lui adresser un coup de genou dans le creux de l’estomac. Le souffle coupé, il recula péniblement, pour se placer hors de portée de son adversaire. Dans la main droite de cette dernière, le Bôken parvenait à contenir la pression exercée par Noboru. Il appuya de toutes ses forces, mais Ryoko ne faiblit pas. Elle nota cependant que derrière elle, Michiko et Maiwa revenaient à l’assaut. Sur sa gauche, Yuri, Kenji et Junichi s’étaient préparés. Sur sa droite, Keitaro et désormais Yasuo et Takuya. Et devant elle, en plus de Noboru, il y avait désormais Taro. Ryoko savait qu’ils allaient tous essayer de l’attaquer en même temps, et elle réfléchit rapidement à une solution pour s’en sortir.
Brutalement, ses dix adversaires passèrent à l’offensive. Noboru força soudainement, en ajoutant tout le poids de son corps pour forcer Ryoko à céder. Elle ne résista même pas, dégagea son arme, et frappa dans le dos de son opposant, juste au niveau de la nuque. Il s’écroula et resta immobile. Mais les autres arrivaient. La jeune femme pivota, et présenta son flanc à Maiwa, le premier à pouvoir la frapper. Son coup de taille passa juste à côté d’elle, et elle frappa sur son poignet, pour le désarmer. De sa main gauche, elle le saisit à la gorge, et le souleva du sol. Elle l’interposa entre elle et Taro, qui fut forcé de freiner pour ne pas frapper son compagnon. Ryoko en profita pour, toujours dissimulée derrière son “otage”, frapper son soldat à la tempe. Avant même que Taro ait touché le sol, elle s’était déjà retournée. Elle donna un grand coup de pied dans la main de Michiko, faisant voler son arme dans les airs, puis elle lui asséna un coup avec le manche de son sabre, à la base du cou, la faisant s’effondrer, inconsciente. Le Capitaine de la Dixième Division pivota à nouveau, et poussa Maiwa droit sur Takuya et Keitaro. Elle tendit la main gauche en l’air, et ses doigts se refermèrent autour du Bôken de Michiko. Elle bloqua le coup de Yasuo, le mit hors combat d’un coup de pied dans l’estomac, et se retourna vers Kenji, Yuri et Junichi, qui avaient été étonnés par sa vitesse. Elle se mit en garde en face d’eux, et ils s’arrêtèrent, préférant réfléchir à une autre tactique. Ryoko ne voyait pas ses autres Shinigami : Maiwa, Keitaro et Takuya étant derrière elle, mais elle sentait nettement leur reiatsu, et elle pouvait estimer avec une grande précision leur position. S’ils se déplaçaient, elle le saurait. Elle ne pouvait pas bouger, et était donc dans l’attente de leur prochain mouvement. Ils se concertèrent du regard, et parurent d’accord sur quelque chose. Yuri attaqua le premier. Son bôken dans la main droite, lame vers le bas, il frappa de bas en haut, et Ryoko, étonnée par ce moment, bloqua maladroitement. Keitaro et Junichi en profitèrent pour l’attaquer. Junichi, son arme dans la main gauche, frappa sous un angle que la jeune femme aurait eu du mal à prévoir. Elle bloqua cependant l’attaque, ce qui la rendit vulnérable à l’assaut de Keitaro. Il était rapide et agile, ça elle le savait, mais elle ignorait qu’il pouvait faire preuve d’une telle souplesse. Il frappa de taille, au niveau de la tête, et força la jeune femme à se baisser pour éviter d’être touchée. Mais, emporté par son élan, il tourna sur lui-même, présentant son dos à son adversaire, et avec une technique inédite, se lança dans un salto arrière, dont le point de chute était l’endroit où se trouvait la jeune femme. Voyant qu’elle n’avait aucune solution, avec les deux combattants qui bloquaient ses deux mains, elle décida de céder à Junichi et à Yuri. Les deux Shinigami, ne s’attendant pas ça, basculèrent en avant, et servirent bien malgré eux de bouclier à Ryoko. Yuri reçut un coup de pied magistral en pleine tête, et fut projeté au sol, où il resta, complètement assommé. Ryoko entendit des pas derrière elle, et elle identifia Takuya, Kenji et Maiwa qui venaient prêter main forte à leurs compagnons. Avec deux lames, Ryoko continua de ferrailler avec Junichi et Keitaro, qui se placèrent hors de portée de ses ripostes, mais assez près pour la déranger. Elle pivota, et décida d’élever un peu le niveau. Lorsque Kenji arriva, elle bloqua son attaque, et sans lui donner une seule chance, le frappa en plein dans les côtes. La douleur dut être terrible car il s’effondra en gémissant. Elle se retourna, croisa ses lames, et bloqua celle de Takuya, qui frappait d’estoc. D’un simple mouvement du poignet, elle parvint à le désarmer, et frappa en pivotant. Alors qu’il recevait un coup dans la tempe - le mettant hors combat - elle se retrouva face à Maiwa qui avait tenté de la prendre par surprise. Elle frappa tellement fort qu’elle brisa net son Bôken, et avant qu’il puisse comprendre, celui qui se trouvait dans la main gauche de la jeune femme acheva de suivre le mouvement de son corps, et vint le percuter au niveau du cou. Il s’effondra, et Ryoko pivota de nouveau, pour affronter Junichi et Yuri, qui se jetèrent un regard inquiet, étant les deux derniers. Ryoko fit tourner ses armes dans ses mains, et les observa tour à tour. Ils déglutirent, et avec réticence, se jetèrent à l’attaque...

- Voilà donc comment tenir seul contre dix adversaire. Je ne vous demanderais pas d’en faire autant, mais je voudrais que vous appreniez à combattre de sorte à, sinon gagner, résister à plusieurs adversaires. Comme vous le savez, notre Division est une des moins nombreuses, et si nous voulons continuer à effectuer notre travail convenablement, il faudra s’habituer à lutter contre des adversaires deux ou trois fois plus nombreux. Donc vous allez reprendre l’exercice, et me montrer ce que vous valez !
Les Shinigami continuaient de la regarder avec des yeux ronds. Sa performance les avait visiblement impressionné, et elle ne se sentait soudainement atrocement mal à l’aise. Elle dissimula ses joues qui prenaient une teinte légèrement rosée derrière un masque d’autorité, et leur ordonna d’une voix forte et claire de commencer à s’affronter sans plus tarder. Les membres de sa Division se lancèrent des regards surpris, avant de se replacer en binômes, et bien en ligne, pour reprendre leurs affrontements. Ils se lancèrent dans des duels acharnés, en s’efforçant de respecter ses consignes. Pendant qu’ils s’affrontaient bruyamment, Ryoko vint se pencher vers les membres de sa garde, et s’assura qu’ils allaient bien. Kenji, le seul qui n’était pas inconscient, s’était assis, et continuait à se masser les côtes. Elle y avait peut-être été un peu fort. Elle s’accroupit devant lui, et lui adressa un sourire désolé, auquel il répondit par une grimace.
- Ca va aller ? Demanda-t-elle néanmoins.
Il haussa les épaules, et rajusta ses lunettes.
- Vous étiez vraiment très impressionnante, Capitaine, si je puis me permettre. C’est un honneur d’avoir pu vous affronter.
Ryoko rougit devant ce compliment pour le moins...inattendu, et en retour, donna un coup de poing amical dans l’épaule de son soldat, qui parut surpris par ce geste.
- Les avances à son Capitaine sont déconseillées pendant l’entraînement, Mori Kenji.
Elle lui avait lancé ça sur ton très sérieux, espérant bien briser son masque un peu froid, et le résultat ne se fit pas attendre. Il s’empourpra, et s’empressa de formuler des excuses, en bafouillant presque.
- C’est oublié, trancha-t-elle, avant de se lever.
Elle lui adressa un sourire amusé, et alla voir le prochain corps inanimé...

Une fois son escorte rassemblée, et remise debout, elle demanda à ses hommes de se mettre par groupes de deux et de reprendre leur exercice là où ils l’avaient laissé, tandis qu’elle allait surveiller les autres combattants. Ils s’exerçaient à ne pas reculer, et on entendait beaucoup moins de coups qu’auparavant. C’était bien, ils progressaient. Ce n’était peut-être pas aussi impressionnant qu’une unité distribuant les coups allègrement, et faisant claquer les bôken les uns contre les autres dans un fracas tonitruant, mais c’était sans aucun doute bien plus efficace. Et puis...qu’y avait-il de plus terrifiant qu’une petite unité ravageant tout sur son passage, abattant chaque ennemi d’un seul coup ? Elle sourit en imaginant ce que deviendraient ses hommes dans quelques semaines, voire quelques jours, si elle leur imposait un rythme soutenu.
Ils combattirent pendant trente minutes, au bout desquelles, lorsqu’elle leur annonça la fin de leur exercice, ils s’effondrèrent avec les bras et les jambes endoloris. Elle leur laissa dix minutes de repos, et se proposa même d’aller chercher des bouteilles d’eau à leur faire passer. Puis elle les fit reprendre l’exercice, sans leur laisser une seule chance d’y échapper...

Le soleil était haut dans le ciel, lorsque Ryoko annonça la fin de l’entraînement. Ses Shinigami, encore une fois, se laissèrent tomber. Ils étaient exténués, et ils avaient, pour leur dernière “reprise”, combattu beaucoup moins vite qu’avant. Cependant, ils avaient, pour la plupart, assimilé les conseils qu’elle leur avait donné, et pour la plupart, ils parvenaient à livrer bataille pendant environ un quart d’heure sans faiblir. Les meilleurs tenaient même vingt minutes. Mais après, ils faiblissaient rapidement, et au bout de trente minutes, ils étaient sur les rotules. Elle s’en voulait à peine de leur faire subir un tel entraînement, car c’était pour leur bien, et elle savait qu’ils allaient s’améliorer.
Midi passé depuis quelques minutes, le Capitaine de la Divison déclara qu’il était temps d’aller manger. Elle conduisit ses hommes dans la salle commune, alors qu’ils marchaient en trébuchant, et qui gémissaient, en se massant les bras. Elle avait tout prévu, et avait demandé également envoyé une lettre, pour qu’un repas leur soit préparé. Ils furent ravis, et soulagés de voir que des plats délicieux avaient été concoctés pour eux. Ils se ruèrent dessus, et mangèrent avec avidité. Le repas fut animé, et riche en anecdotes, blagues, et plaisanteries en tout genre. Cependant, il fallut rapidement abandonner les baguettes, les assiettes, les plats, et l’assise, pour reprendre les sabres et l’entraînement. Ils combattirent cette fois pendant une demi-heure complète, avec l’estomac plein, et lorsque Ryoko leur fit signe d’arrêter, ils lâchèrent des cris de joie, satisfaits d’avoir réussi après si peu de temps. Mais ils n’étaient pas encore prêts. Le Capitaine de la Dixième Division envisageait déjà tout un tas d’exercices terribles et parfaitement sadiques à leur faire subir. Un sourire amusé passa sur ses lèvres, en imaginant ce que ses troupes pourraient devenir après un entraînement tel que celui auquel elle pensait. Des entraînements dans des conditions climatiques difficiles, dans le froid polaire, ou par une chaleur torride. Des combats dans le sable, dans la boue, dans des rues, dans des bâtiments, sur des toits, dans des souterrains, dans des égouts. Des variations dans le style de combat, avec des combats à une main, avec deux armes, sans armes. Elle pouvait aussi les mettre dans des situations spécifiques, et difficiles, en organisant des combats inégaux, des batailles rangées, des prises de position, des défenses d’objectifs. Mais ce n’était pas encore au programme, et elle ne mettrait probablement pas en place la moitié de ce qu’elle avait prévu, tant la plupart de ses idées étaient farfelues. Mais après tout...elle était capitaine, et elle pouvait faire comme bon lui semblait. Mais bon...Ce n’était pas à l’ordre du jour. Elle regarda d’un oeil maternel ses Shinigami, et afficha un sourire de pure fierté, en voyant qu’ils s’affrontaient vaillamment. Elle baissa la tête vers son chronomètre, et ouvrit des yeux ronds en voyant qu’ils s’affrontaient depuis quarante minutes, sans avoir montré de grands signes de fatigue. Avec un sourire amusé, elle laissa filer le temps, et croisa les bras, en les observant...

Ils réussirent à s’affronter pendant une heure, refusant catégoriquement de s’arrêter avant qu’elle ne leur en ait donné l’autorisation, croyant dur comme fer que les trente minutes n’étaient toujours pas passées. Lorsque Ryoko vit qu’ils perdaient toute lucidité, et que leurs combats ne présentaient plus aucun intérêt pédagogique, elle leur demanda de s’arrêter. Elle consulta le chronomètre : “01:17:43”.
- C’est très bien ! Leur annonça-t-elle. Vous avez bien tenu. Mais la prochaine fois, nous essaierons de tenir pendant une heure entière !
Il y eut des grommellement découragés, et elle haussa les épaules distraitement. S’ils se rendaient compte à quel point ils étaient loin du niveau qu’ils prétendaient avoir. Elle leur accorda, suite à ça, un quart d’heure de pause bien méritée, et les laissa aller se désaltérer, et se délier les muscles. Ils se dirigèrent vers des fontaines, et allèrent chercher des serviettes, pour éponger la sueur qui perlait sur leurs fronts à tous. Lorsqu’ils revinrent, après avoir récupéré, elle entreprit de leur montrer quelques petits trucs. Ayant toujours été une élève sérieuse et studieuse, elle avait toujours gardé en mémoire les leçons qu’elle apprenait à l’école des Shinigami, et se rendait compte que, malgré toutes les techniques qu’elle avait mise au point avec le temps, les attaques et les esquives dessinées dans les livres d’études restaient toujours valables. Elle leur montra, en créant des simulations, comment bloquer un adversaire plus puissant, et pour qu’ils ne ressentent pas la monotonie, leur montra comment se combattre en mouvement. Elle leur apprit à utiliser toutes les armes à leur disposition : leurs pieds, leur main libre, parfois. Ses hommes la fixaient sans cesse, et elle se sentait étrangement bien, parmi eux. Après avoir donné ses consignes, elle invita ses combattants à mettre en pratique ce qu’ils avaient appris, et pendant qu’ils s’exerçaient, elle pasa dans les rangs, pour corriger une position un peu bancale, ou pour donner un petit coup de pouce à ceux qui avaient du mal. Elle voulut tester personnellement le niveau des ses combattants, et leur ordonna de continuer à s’entraîner, pendant qu’elle prenait une place dans la ligne. Elle demanda ensuite à tous ses hommes de changer de position, et un par un, ils vinrent l’affronter. Elle leur portait trois coups différents, et ils devaient l’esquiver, et riposter comme elle le leur avait montré. Un coup d’estoc, au niveau du coeur. Un coup de taille, au niveau de la hanche. Et un coup de taille, en diagonale, porté de bas en haut ou de haut en bas. Elle mit du sien dans cet exercice, et leur imposa un rythme d’enfer, attaquant sans relâche, et portant ses trois attaques sans interruption. Elle essayait vraiment de les toucher, et ils se rendirent rapidement compte qu’elle ne plaisantait pas. La plupart se fit toucher à la première attaque. Certains, moins nombreux, réussirent à dévier sa frappe, mais furent surpris par ses mouvements rapides, encaissant une frappe à la hanche. Un tout petit groupe parvint à réagir avec vivacité, et à bloquer la seconde attaque, mais ne sachant pas la trajectoire de la dernière, ils ne purent l’éviter. Ryoko ne leur laissait pas le temps de souffler. Ils arrivaient, elle les frappait trois fois, et ils repartaient. Elle alla si vite que la boucle fut bouclée en moins de quinze minutes, et elle put ainsi faire un second passage, puis un troisième, et ainsi de suite. Elle refusa de les laisser s’arrêter, et continua jusqu’à ce que la nuit tombe. Parfois, elle variait ses frappes, ralentissait volontairement, pour prendre au piège ceux qui essayaient d’anticiper ses mouvements, et ils s’appliquaient pour se corriger dès qu’ils revenaient. Leurs réflexes n’étaient pas ceux d’un Capitaine de Division, certes, mais l’entraînement porta ses fruits, et lorsque la journée céda la place à la nuit, plus aucun d’eux ne se faisait toucher par une attaque d’estoc.